La rencontre entre le Carrefour Foi et Spiritualité et l’établissement correctionnel fédéral de Joliette pour femmes sentenciées avait lieu samedi le 8 juin 2024. Le centre, opérationnel depuis janvier 1997, n’a pas l’allure des prisons  traditionnelles : les femmes sont réparties en petites unités sur le terrain, regroupées dans des bâtiments selon les niveaux de sécurité, de minimale à maximale. Chaque unité est constituée de cellules, cuisinette, salle à manger, buanderie… Un bâtiment central regroupe tous les services : bureaux de la direction, des intervenants,  postes des gardiennes et gardiens, salles de cours, clinique de soutien psychologique, chapelle, garderie, salon de coiffure, atelier de poterie, cuisinette pour que les mamans puissent préparer des menus adaptés à leurs enfants.  Ajoutons le « gym » pour l’entrainement physique et sportif et à l’extérieur, jeux divers, ballon-panier et badminton. La belle vie, vous croyez? 

Des femmes représentant une diversité de cultures, d’âge et de religion y font leurs sentences de deux à 25 ans, avec la possibilité qui leur est offerte de se rebâtir intérieurement et de rebâtir leur vie. Il y a trois ans,  l’aumônier catholique en place avait entrepris d’établir des liens entre le centre de détention et le Carrefour Foi et Spiritualité. Deux fois par année, durant le carême et le ramadan, les femmes qui le désiraient puisaient dans leurs maigres ressources financières, pour offrir des provisions, en alternance, soit à une famille catholique, soit à une famille musulmane démunie. Le Comité InterFoi avait le privilège de recevoir une femme détenue, deux femmes accompagnatrices bénévoles et l’aumônier, ainsi que la famille qui accueillait les dons. C’était alors fête au Carrefour, dans le rire et dans les pleurs.

Samedi dernier, les membres du Comité InterFoi et les sœurs oblates Gabrielle Servant et Pierrette Bertrand étaient les invités de la prison de Joliette. La responsable du comité, madame Hakima Kalif, avait prévu dans les moindres détails toutes les vérifications légales nécessaires pour franchir les portes d’un tel établissement, mesures de sécurité qui se sont poursuivies à notre arrivée : papiers, fouille, délestage des bijoux et cellulaires, jusqu’à la vérification de nos montures de lunettes…

Nous avions apporté à chacune des détenues un petit sac-cadeau contenant quelques produits de toilettes, dont une crème à main qui a été retirée parce qu’elle contenait un peu d’alcool. Mais qui aurait mangé sa crème à mains, direz-vous?

L’établissement accueille présentement 115 femmes. L’animation que nous avions prévue fut un moment extraordinaire auquel 35 femmes ont choisi de participer. La présentation des personnes devait se faire selon certaines règles, car on ne pose pas n’importe quelle question,  mais elles, en dedans,  sont libres de demander ce qu’elles veulent.… Nous avons chanté et les langues se sont déliées. Le jeu-questionnaire a été un succès. Les filles se sont senties à l’aise et nous ont fait confiance. Plusieurs nous ont exprimé la chance qu’elles avaient d’avoir des personnes pour les accompagner et des moments d’intériorité pour faire le point dans leur vie. Il y a eu des moments d’émotions intenses : des jeunes femmes qui portaient des rêves et qui sont passées à côté, d’autres qui vieillissent en prison, quelques mères de famille ayant le privilège d’avoir des parents qui assurent la garde des enfants et d’autres à qui la famille a tourné le dos. À la question : Quel est votre plus grand rêve? L’une a répondu naïvement : J’aurais voulu  monter sur scène et chanter et aujourd’hui, permettez-moi de vous considérer comme mon auditoire. Elle s’est mise à chanter et toutes les femmes ont repris en chœur.

Est-ce ainsi que les choses se passent au quotidien ? Certes non, Les femmes devaient rentrer dans leur cellule à 16h30. Après un chant à Marie, il y eut la distribution des sacs-cadeaux. La gratitude s’est exprimée abondamment. C’était l’heure de rentrer dans la cellule et le groupe s’est retiré, espérant un au revoir! 

Sacs-cadeaux

La distribution des sacs-cadeaux s’est poursuivie dans l’unité à sécurité maximale; les femmes des autres unités sont venues à tour de rôle nous rencontrer. Parmi elles, quelques personnes Trans, bien intégrées et entourées, des femmes autochtones, dont l’une nous a partagé avec talent une chanson de sa tradition. Enfin, les femmes pouvaient rentrer chez elles ou poursuivre la soirée jusqu’à 22h dans les espaces qui leurs sont affectées, aller s’entraîner au gym ou pratiquer l’art qui leur convient.

Nous avons quitté les lieux vers 20h, le cœur battant et dans l’action de grâce au Seigneur pour l’expérience que nous venions de vivre : « J’étais en prison et vous m’avez visité ». 

S. Pierrette Bertrand, o.f.s.j.