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L’ESPÉRANCE DANS MON GRAND PANIER DE DÉTRESSE 

 

Félix Leclerc

 

Félix Leclerc écrit « J’aurais voulu faire un conte de Noël, mais je n’ai pas d’idées, de ces fraîches idées remplies de grelots comme on en a à seize ans. J’ai le mauvais temps sale, barbouillé et  terreux. J’ai une grande lassitude devant les heures parties, mais en dessous de tout cela, une pâle clarté qui brille comme une lampe sous l’eau : mon enfance, la naissance de Jésus Christ, l’espérance que je retrouve chaque année dans mon grand panier de détresse. »

Notre chansonnier québécois m’invite en ce temps d’Avent à me demander ce qu’est  Noël pour moi, aujourd’hui? En cette fin d’année, le triste bilan de l’actualité sociale, économique, politique et religieuse de notre monde met à rude épreuve l’espérance de nos sœurs et frères. Elle est puissante la nuit et ses alliés sont nombreux : violence, haine, guerre, exclusion, crise économique… Quand se lèvera le jour d’un monde fraternel? Comme elle est indispensable «l’espérance dans notre grand panier de détresse!»

Noël pour moi, c’est l’Incarnation de Dieu  dans  notre Histoire, le rappel de Celui qui vient à la rencontre des  femmes et des hommes; Dieu qui vient habiter nos solitudes, nos luttes, nos chagrins. Celui qui désire éclairer nos choix, nos décisions, nos projets. Il vient prendre chair en notre Histoire  et l’histoire humaine devient son Histoire. Dieu n’a plus d’autre Histoire que la nôtre, chaotique, lente, boitant entre ombres et lumières et tendues vers la plénitude. Désormais, Dieu s’associe à nos travaux et il arpente avec nous tous les chantiers où nous bâtissons obstinément la Terre promise que son Esprit nous inspire.

On lui donnera le nom d’Emmanuel, « Dieu avec nous »  (Is.7,14). Cependant, Il ne s’impose pas par la force. Il convient que nous avivions la conscience de notre mission comme porteuses et porteurs de ce désir de Dieu et agents du monde que Dieu veut. Le rêve de paix et de vie harmonieuse sur cette terre semble être une utopie, un idéal qui n’a jamais existé en aucun lieu et qui n’existera jamais! On peut nous dire : « Ben, voyons donc ! Reviens sur terre! » Oui, nous pouvons sourire devant tant de naïveté et tant de contraste entre l’idéal et le concret de notre monde. Nous sourions  parce que la majorité d’entre nous – et probablement la plupart des personnes qui liront ce texte – la majorité d’entre nous avons travaillé toute notre vie à soulager les différentes formes de misère qui afflige l’humanité, aussi bien ici que partout ailleurs dans le monde. Nous avons pu voir des délivrances et des libérations, de la paix et de la justice. Nous avons aussi connu des échecs, des revers, des destructions de services et de progrès.

L’espérance est une force, une aptitude, une aspiration au bonheur. Elle s’exprime également à Noël dans la lumière et la fête, dans le partage et le rassemblement. Personne ne veut passer Noël en solitaire. Ceux qui travaillent feront une petite fête, ouvriront une bouteille, échangeront des souhaits, se tailleront une pointe de tourtière et une tranche de bûche au chocolat. D’autres recevront parents et amis. Plusieurs élargiront le cercle de leurs célébrations en se joignant aux fidèles à la messe  de Noël. L’espérance s’exprime en groupe. Le monde est si vaste, si terrible : une personne ne peut le changer seule. Au-delà du plaisir de partager, de recevoir et d’être reçu, de célébrer et d’oublier ses ennuis le temps d’une veillée, il reste de ces rencontres, le sentiment de faire partie d’une équipe, d’une famille, d’une communauté, sans lesquelles nous serions des bouteilles à la mer.

Un souhait étant une espérance, je nous souhaite la paix, la communion au-delà des cultures et des religions, un toit pour tous dans nos quartiers, un cœur sans frontière et  un regard de bienveillance quelles que soient les différences.

Joyeux Noël et Bonne Année!

Pierrette Bertrand, ofsj